Violente. Révoltée. Ta fille aînée placée en famille d’accueil. Ingérable. Hospitalisée en urgence. Opérée en urgence. Vilaine plaie à la jambe. Infection. Partie le lendemain matin. Le pansement à terre dans la chambre. Les affaires volées dans les chambres voisines.
Je t’ai retrouvée au quartier des femmes. Enceinte. Prenant de la méthadone. L’infirmière m’avait prévenue : une nouvelle, une rebelle. Je t’ai trouvée là, arrogante comme toujours, le ventre en avant, fière et belle. Et puis tout d’un coup tout a craqué. Tes larmes pour la première fois.
“Cette enfant, on me la prendra pas !”
Je te connaissais de longue date, dépendante, rebelle, toujours fuyant quelqu’un ou quelque chose. J’avais déjà essayé de t’aider, je m’y étais cassé les dents.
Plus tard j’ai pris de tes nouvelles, on m’a dit que ta fille était née, qu’elle allait bien. La pédiatre m’a parlé du syndrome de sevrage. Jugement. Personne ne m’a parlé de toi.
Et puis tu es revenue me voir, inquiète pour ta santé, demandant mon aide après m’avoir si souvent repoussée. Et tu m’as tout raconté.
Les mois en foyer après la naissance de ta petite.
La distance entre toi et les produits, le sevrage de la méthadone, puis de l’alcool.
Ton combat contre tous ceux qui te connaissaient et voulaient encore régler leurs comptes. Les vieux démons.
La mort de ton homme et l’angoisse.
Ta bataille pour ta fille retrouvée pour laquelle tu t’es tant inquiétée.
Ta fierté de pouvoir pour la première fois emmener tes filles en vacances avec ton argent.
Ta volonté de travailler, ta ténacité à rattraper les années perdues.
Je te vois maintenant régulièrement, jolie quadra dans la salle d’attente, toujours ponctuelle aux rendez vous, craignant d’être en retard à la sortie de l’école. Qui prend la peine de m’envoyer un mail pour s’excuser de ne pas venir à la consultation. Mais que je ne m’inquiète pas, tout va bien. Vacances à Paris avec les filles.
La prise de sang. Il reste des traces de ton ancienne vie. Et comment en moins de temps qu’il n’en faut pour le penser, te revoilà violente pour un geste douloureux, tellement répété. Il n’y a que moi qui ai le droit de te piquer. Une tolérance.
Avec toi j’ai appris que s’il n’y avait pas de vieux toxicomanes ce n’est pas parce qu’ils sont tous morts.
Posted on décembre 27, 2007
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